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« Réarmer les coopératives et la production céréalière »

Les coopératives de collecte-appro font face à « un risque de trésorerie, un risque de solvabilité des adhérents et un risque de performance opérationnelle », souligne Antoine Hacard, président de la Coopération agricole Métiers du grain

Fragilisées, les coopératives de collecte-appro appellent à un plan massif d’investissement pour moderniser les infrastructures, accompagner les transitions du secteur vers plus de durabilité et servir la souveraineté alimentaire française.

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« Si nous ne réagissons pas vite, nous risquons le décrochage massif des coopératives ! Et avec elles, 70 % de la collecte nationale de grain ». C’est l’alerte lancée le 24 septembre par Antoine Hacard, président de la Coopération agricole métiers du grain, lors d’une conférence de presse.

Il souligne le soulagement limité qu’apporte la moisson 2025, « récolte paradoxale ». Certes, la production de blé tendre, d’orge d’hiver et d’orge de printemps repart à la hausse après une année 2024 « cataclysmique ». Mais elle recule encore pour le blé dur, et les surfaces restent à la baisse pour la quasi-totalité des céréales, entre « surfaces qui deviennent improductives dans le sud de la France » et, plus au nord, concurrence des cultures industrielles.

Surtout, les prix en berne et les coûts élevés des intrants, notamment des engrais, rendent l’équation économique intenable pour les agriculteurs : « Produire une tonne de blé coûte aujourd’hui autour de 202 euros, quand elle se vend 155 euros. Les producteurs de céréales travaillent à contre-marge, et cela depuis 3 ans », rappelle-t-il.

Une situation qui, par ricochet, place les coopératives de collecte-appro face à « un risque de trésorerie, puisqu’il faut financer l’achat de ces engrais, un risque de solvabilité de nos adhérents, et un risque de performance opérationnelle ».

Au-delà des difficultés que rencontre le grain français à l’international (manque de compétitivité, concurrence accrue des céréales russes en Afrique, fermeture du marché algérien au blé français…), « le marché domestique se restreint, ce qui accroît la concurrence entre coopératives et négociants et fragilise notre modèle », tandis que l’inflation a renchéri les coûts de fonctionnement des coopératives.

Trésoreries fragilisées 

« Nous gérons les risques climatiques et industriels sans filet, avec des fonds propres limités et des charges assurantielles qui explosent. Nos trésoreries sont fragilisées et nous avons un besoin en fonds de roulement important », déplore Antoine Hacard, rappelant que la campagne 2024 a coûté « 300 millions d’euros de marge » aux coopératives et que leurs immobilisations « ont baissé de près de cinq points depuis 2018 ».

Face à ces fragilités, la Coopération agricole métiers du grain réclame aux pouvoirs publics un « choc d’investissements ». « Nos usines, nos silos et surtout nos réseaux logistiques ont vieilli. Cet été, la panne de l’écluse du Coudray-Montceaux, sur la Seine, a ralenti tout le trafic fluvial en pleine moisson. Voilà ce que peut coûter un manque d'investissement dans les infrastructures, notamment publiques », illustre-t-il.

La fédération a ainsi travaillé à un plan « Infrastructure 2030 », visant à moderniser les organismes stockeurs et à obtenir leur reconnaissance comme équipements d’intérêt stratégique de la nation.

Elle plaide aussi pour la constitution de stocks céréaliers européens, au même titre que « les vaccins, les munitions ou l’énergie », et insiste sur l’« urgence » de lancer et d’accompagner de grands projets fluviaux comme le canal Seine-Nord Europe, dont la date d’entrée en service vient d’être repoussée à 2032.

Transitions environnementales

En plus des infrastructures, elle appelle à ce que ce « choc d’investissements » serve les transitions, avec « la recherche et le conseil comme leviers ».

L’idée : permettre aux agriculteurs d’accéder à des variétés plus résistantes et d’utiliser moins d’intrants (engrais verts, NGT, biocontrôle, agriculture de précision…). Et à l’aval, moderniser les outils industriels : « il nous faut de nouveaux mix énergétiques, avec notamment plus d’énergies renouvelables pour nos séchoirs ».

Dans un contexte globalement morose, Antoine Hacard salue néanmoins « une belle avancée » avec la fin de la séparation vente-conseil prévue par la loi Duplomb : « c’est une avancée importante mais nous demandons une application stricte de la loi. Les conseils phytosanitaires doivent être non obligatoires, sans fréquence imposée ni contrainte sur les modalités de facturation. Laissons les entreprises travailler ! ».

Il appelle enfin à davantage de stabilité politique, géopolitique, fiscale et réglementaire. « Nos coopératives investissent 3,5 milliards d’euros par an dans les territoires ruraux. Nous n'investirons pas si nous n'avons pas confiance en l'avenir. »

En particulier, il insiste sur la nécessité de sécuriser l’accès aux engrais, en relocalisant la production azotée en France et en levant certaines taxes, notamment sur les importations russes. D’ailleurs, la baisse annoncée des taxes sur les engrais américains est « une bonne nouvelle, ça élargit notre sourcing ! »

« Soit nous réarmons nos coopératives et la production céréalière aujourd'hui, soit nous laisserons s'éteindre l'un des premiers pourvoyeurs d'emplois et de dynamisme économique de nos zones rurales, conclut Antoine Hacard. Nous avons perdu trop de temps (notamment sur les NGT, NDLR). C’est maintenant qu’il faut appuyer sur le bouton des investissements ! ».

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